"Rainbow Shell", c'est d'abord un univers sorti de l'imagination de Perrine Mansuy. C'est aussi un groupe, où chacun sert les compositions avec ferveur et humilité. C'est une pianiste qui assume son statut de leader sans jamais chercher à se mettre en avant, préférant distiller ses harmonies pour habiller ses belles mélodies, et broder autour plutôt que de se lancer dans de longues improvisations démonstratives. C'est Eric Longworth, violoncelliste vagabond ( n'a-t-il pas participé à la "Randonnée Musicale", 26 jours de marche avec le violoncelle sur le dos ? ), qui apporte la chaleur de son instrument à cette musique rêveuse. N'oublions pas Jean-Luc Di Fraya, qui grâce à un set de percussions original, met en couleurs et en rythme (s) les compositions de Perrine Mansuy. Et pour lier le tout, il y a la guitare et les samples de Remy Decrouy qui effectue un remarquable travail sur le son, très éloigné de ce qu'on a l'habitude d'entendre dans le monde du jazz. Les sonorités de sa guitare m'ont plutô tparfois rappelé le remarquable dernier opus de "Talk Talk", groupe "post-rock" du chanteur Mark Hollis. Là encore, pas de longs chorus, mais une forte présence, que ce soit dans les voicing sur les mélodies, ou les accords rageurs pour créer des climats changeants.
C'est donc une formation fort originale qui nous a été présentée pour ce premier concert de la saison, et on ne peut que s'en réjouir. La plupart des compositions étaient tirées de l'album "Rainbow Shell". On aurait pu craindre que l'absence de Mathis Haug, chanteur invité sur le cd puisse nuire à la prestation. Il n'en est rien, bien au contraire : le groupe présente un équilibre que la présence d'un invité aurait pu rompre. Il n'est pas étonnant que Perrine Mansuy cite Catherine Mansfield comme source d'inspiration. C'est effectivement à un voyage poétique qu'elle nous invite. Les titres parlent d'eux-même : "Three Rivers and a Hill to Cross", "Danse avec le Vent', "Dîner Flottant" , "Magic Mirror", "Rainbow Shell", "Rivière Lune", "Les Noces du Lézard Amoureux"... On ne sort pas du rêve lors d'un intermède en trio où en l'absence du violoncelle et de la guitare, le piano de Perrine ne se pare que des samples discrets de Remy Decrouy, et de la douceur du Udu ( potée en terre cuite ) de Jean-Luc Di Fraya.
N'allez pas croire que cet univers poétique soit lancinant et méditatif : les percussions d'un Di Fraya très expressif, les zébrures de la guitare électrique, les pizzicati du violoncelle et le jeu dynamique de Perrine apportent une belle énergie à l'ensemble !
Le public chaleureux, visiblement séduit réclame deux rappels. Le dernier sera joué en solo par Perrine Mansuy : "Le Songe du Papillon". Une belle manière de terminer la soirée...
Patrice Boyer